LE RANG DE BAHA’U’LLAH :

 LE RANG DE BAHA’U’LLAH :

Il existe d’innombrables épîtres dans lesquelles Baha’u’llah a proclamé son rang en des termes similaires. Certains passages de ces oeuvres sont traduits en anglais par Shoghi Effendi, le Gardien de la Foi baha’ie et il conviendrait, à ce point, que nous en citions quelques uns.

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C’est lui (Baha’u’llah) qui, dans l’Ancien Testament, fut nommé Jéhovah, qui, dans les Évangiles, fut désigné comme l’Esprit de Vérité, et qui, dans le Qur’an, fut acclamé comme la Grande Nouvelle.

Si ce n’était pour lui, aucun messager divin n’aurait été revêtu de la robe de prophète et aucune écriture sacrée n’aurait été révélée. Toutes choses créées en témoignent.

La parole que prononce en ce jour le seul vrai Dieu, bien que cette parole puisse être la plus familière et la plus ordinaire, est investie d’une suprême et unique distinction.

La grande masse de l’humanité est encore immature. Aurait-elle acquis une capacité suffisante que nous lui aurions accordé notre savoir en une mesure si grande que tous ceux qui demeurent sur la terre et au ciel se seraient trouvés, en vertu de la grâce qui coule de notre plume, entièrement indépendants de toutes connaissances hormis celle de Dieu, et auraient été établis fermement sur le trône de la tranquillité perpétuelle.

J’affirme solennellement devant Dieu que, sur mon front immaculé, la plume de sainteté a inscrit en caractères de gloire éclatante ces mots ardents, ces mots saints au parfum de musc: «Voyez, vous qui demeurez ici-bas, et vous les habitants du ciel, soyez témoins qu’il est, en vérité, votre Bien-Aimé. Il est celui dont le monde de la création n’a pas vu le semblable, celui dont la beauté fascinante a charmé l’oeil de Dieu, l’Ordonnateur, le Tout-Puissant, l’Incomparable !

On ne voit rien dans mon temple que le temple de Dieu, et dans ma beauté que sa beauté, et dans mon existence que son existence, et dans ma personne que sa personne, et dans mon mouvement que son mouvement, et dans ma soumission que sa soumission, et dans ma plume que sa plume, le Grand, le Très-Loué; il n’y a en mon âme que la vérité et, en moi-même, on ne peut voir que Dieu. L’Esprit saint lui-même a été engendré par l’opération d’une seule lettre révélée par ce très grand Esprit, si vous êtes de ceux qui comprennent... Dans le trésor de notre sagesse se trouve un savoir non révélé dont un seul mot, si nous choisissions de le dévoiler à l’humanité, amènerait chaque être humain à reconnaître la manifestation de Dieu et à admettre la vérité de son omniscience, rendrait chacun d’eux capable de découvrir les secrets de toutes les sciences, et lui ferait atteindre un rang si élevé qu’il se trouverait entièrement indépendant de tout savoir, passé et futur. Nous possédons encore d’autres connaissances dont nous ne pouvons révéler une seule lettre, et nous n’estimons pas non plus l’humanité capable d’entendre la moindre allusion à leur signification. Ainsi, nous vous avons informés de la connaissance de Dieu, l’Omniscient, l’infiniment Sage. (r6)
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Seuls ceux qui ont reconnu le rang de Baha’u’llah peuvent apprécier ses déclarations. Ils sont complètement convaincus que seule la Manifestation de Dieu représente la Divinité en ce monde. Il révèle Dieu dans tous les aspects et par conséquent, il se tient loin au-dessus du monde de l’humanité. Il n’y a aucune comparaison entre le Créateur et le créé. En effet, le monde de l’existence n’est que le néant absolu comparé à la gloire de la Manifestation de Dieu. Lui et lui seul peut chanter sa propre louange et célébrer ses propres vertus. Au-delà de lui, personne ne mérite d’être glorifié. Car le rang de l’homme est celui de la servitude et en tant que tel, il n’est pas digne d’être mentionné lorsqu’il est face à face avec la Manifestation de la puissance et de la majesté de Dieu. De même que les couleurs, la beauté et la vie de toute chose créée dépendent des rayons du soleil, la bonté et les vertus de l’homme se révèlent toutes au grand jour, conséquences de l’apparition de la Manifestation de Dieu.

Bien que la révélation de Baha’u’llah soit incommensurablement grande et son rang infiniment glorieux, on ne devrait jamais le confondre avec Dieu, l’Invisible, l’Inaccessible. Voici l’explication que Shoghi Effendi donne de ce sujet:

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La divinité attribuée à un être aussi grand et l’incarnation complète des noms et des attributs de Dieu dans une personne si sublime ne devraient en aucun cas être mal comprises ou interprétées faussement. Le temple humain qui a été fait le véhicule d’une révélation si intense doit, si nous restons fidèles aux principes de notre foi, demeurer à jamais entièrement distinct de cet «Esprit le plus secret des esprits» et de «l’éternelle Essence des essences»; ce Dieu invisible mais pourtant rationnel, qui, si fort que nous exaltions la divinité de ses manifestations sur la terre, ne peut en aucune manière incarner, dans la forme concrète et limitée d’un être mortel, son infinie, son inconnaissable Réalité, sa Réalité qui ne se corrompt point et embrasse tout. En effet, à la lumière des enseignements de Baha’u’llah, le Dieu qui pourrait ainsi incarner sa propre réalité cesserait immédiatement d’être Dieu. Une théorie de l’incarnation divine à ce point grossière et fantastique est aussi éloignée des principes essentiels de la croyance baha’ie, et incompatible avec eux, que ne le sont les inadmissibles conceptions panthéistes et anthropomorphiques de Dieu que les paroles de Baha’u’llah désavouent tout aussi énergiquement, et dont elles exposent de même le caractère fallacieux.

De temps immémorial, lui, l’Être divin, a été voilé dans la sainteté ineffable de son Être exalté, et il restera à jamais enveloppé dans l’impénétrable mystère de son Essence inconnaissable... Dix mille prophètes, chacun d’eux étant un Moïse, sont foudroyés sur le Sinaï de leur recherche par la voix menaçante de Dieu: «Jamais tu ne me contempleras !» cependant qu’une myriade de messagers, chacun aussi grand que Jésus, restent consternés sur leur trône céleste devant l’interdiction: «Mon essence, tu ne l’appréhenderas jamais !» Qu’elle est déroutante pour moi, insignifiant comme je le suis, affirme Baha’u’llah dans sa communion avec Dieu, la tentative de comprendre les profondeurs sacrées de ta connaissance ! Qu’ils sont futiles mes efforts pour me représenter la magnitude de la puissance inhérente à ton oeuvre – la révélation de ta puissance créatrice ! Dans une autre prière encore, révélée de sa propre écriture, il atteste: Ô mon Dieu, quand je contemple la relation qui me lie à toi, je suis poussé à proclamer à toutes choses créées: «En vérité, je suis Dieu !» et quand je considère ma propre personne, voilà que je la trouve plus grossière que l’argile ! (r7)
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Afin de porter un jugement sur les proclamations de Baha’u’llah, il est fondamental de comprendre ce concept et de reconnaître les fonctions de la «Manifestation de Dieu» qui paraît d’âge en âge. Mais malheureusement, nous vivons à une époque où l’impiété s’est largement répandue dans le monde entier et par conséquent, cette tâche devient difficile. Les chefs religieux ont tellement dévoyé l’essence de la religion et assombri sa lumière, qu’un nombre croissant de gens, pour la plupart honnêtes mais désillusionnés, rejoignent les rangs des agnostiques et des athées, tandis que la grande majorité de ceux qui clament croire en Dieu, ne sont pas sûrs de l’implication de leurs croyances. Le Dieu unique, incomparable, omnipotent, dont tous les Livres Saints ont chanté la louange, est désormais soit oublié dans les églises et l’esprit des hommes, soit il est devenu un sujet de controverse, décrit de façons innombrables par ceux qui s’accrochent encore à leurs religions vieilles et divisées. Les mots «Dieu» et «religion» ont pris d’étranges connotations en cette époque, et cela est dû au fait que la lumière de la véritable religion a été obscurcie par les pratiques corrompues et les conceptions erronées des chefs religieux. Mirza ‘Azizu’llah-i-Misbah, (n88) l’un des grands érudits de la Foi, a écrit ce verset profond et pourtant si simple, dans son merveilleux recueil de poésie et de méditations:

«Si les évêques n’avaient pas accumulé de vaines imaginations sous le nom de religion, les philosophes n’auraient pas considéré la religion comme de vaines imaginations.» (r8)

A une autre occasion, il écrit:

«Il y a celui qui adore Dieu, mais qui est attaché à une idole ; il y en a un autre qui, bien qu’il s’incline devant une idole, est enivré du vin de l’unicité de Dieu.» (r9)

Dans nombre de ses épîtres, Baha’u’llah a averti qu’avant ne s’établisse totalement sa Cause, les forces de l’irréligion et de l’incroyance se répandront dans le monde. A une occasion, il atteste:

«La croyance en Dieu se meurt dans tous les pays ; rien de moins que son bienfaisant remède ne peut la rétablir. Une impiété corrosive ronge les forces vitales de la société: quoi d’autre que l’élixir de cette puissante révélation pourrait la purifier et lui rendre la vie ?» (r10)

Non seulement l’humanité se tourne vers l’entêtement et l’incroyance, mais elle perd tout autant le langage de la religion.


COURAGE ET SACRIFICE :

Dans le Mathnavi, Baha’u’llah parle de la grandeur de sa Cause et dans un langage incomparable, il décrit l’ardent désir des Prophètes du passé de parvenir en sa présence et prendre leur part de cette révélation. Dans ce poème, il chante les amants de sa Beauté qui sans hésiter sacrifient leur vie dans le sentier de Dieu, et les exhorte à ne jamais se détourner du champ du martyre.

Ceux qui reconnurent réellement le rang de Baha’u’llah, acceptèrent les persécutions et les souffrances pour son amour. Ils savaient qu’après avoir embrassé la foi de Dieu, leur vie serait en danger. En effet, lorsqu’ils quittèrent leurs maisons, ils n’étaient pas certains d’y jamais revenir. L’ennemi se tenait prêt à frapper quiconque était identifié avec la nouvelle Foi. Alors, ceux qui suivirent le Bab et Baha’u’llah dans les premiers temps, comprirent clairement qu’à n’importe quel moment, ils pouvaient être amenés à donner leur vie dans le sentier de Dieu. C’était leur épreuve de foi et la grande majorité d’entre eux restèrent fermes jusqu’à la fin.

Le récit suivant, décrivant la scène du martyre de l’un des tout premiers croyant, démontre cette foi.

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En voici un qui donna sa vie d’une façon si spectaculaire que nombreux étaient ceux qui, parmi la multitude des témoins amassés sur la place et venus pour railler la victime et se réjouir à la vue de son exécution, en furent émus jusqu’aux larmes. Même le coeur de ces hommes rudes qui avaient été désignés pour commettre cet acte de haine, en fut profondément ébranlé.

L’illustre héros qui parut sur cette scène tragique s’appelait ‘Ali-Akbar-i-Hakkak, un jeune homme beau et très charmant, originaire de Yazd, en Perse. Il était graveur de profession et un artisan hautement qualifié dans sa partie. Il était marié et avait un fils de quatre ans du nom de Habibu’llah. Dès que la nouvelle tragique du soulèvement de Nayriz parvint à Yazd, ‘Ali-Akbar partit immédiatement en voyage pour visiter le lieu historique où l’incomparable Vahid, avec son groupe de vaillants compagnons, avaient combattu et étaient tombés. À son retour à Yazd, il manifesta une telle joie spirituelle et déploya un zèle si submergeant dans le travail d’enseignement, que bientôt il fut dénoncé et catalogué comme «babi». Là-dessus, le gouverneur despotique le fit arrêter sur l’accusation d’hérésie et porta l’affaire à Téhéran en demandant des ordres.

Presque deux mois s’écoulèrent et aucune instruction ne vint de Téhéran. Par conséquent, on extorqua une amende au prisonnier et ensuite, il fut remis en liberté provisoire, à la condition de se mettre immédiatement à la disposition du gouverneur dès que le décret parviendrait.

Pas du tout troublé par le sort difficile qui l’attendait, ‘Ali-Akbar reprit son travail dans un esprit de résignation totale jusqu’à ce qu’un message, après un laps de temps de trois mois, arriva de Téhéran avec pour ordre de mettre à mort immédiatement toute personne qui s’avèrerait appartenir à la foi babie. Cet ordre odieux investissait le gouverneur des pleins pouvoirs pour mettre à exécution son dessein. En conséquence, tôt le matin du 15 juillet 1852, il envoya ses hommes arrêter ‘Ali-Akbar chez lui. Ayant ainsi fait, ils le conduisirent chez le gouverneur dans les casernes où ce dernier l’interrogea.

Bien que les gens de Yazd étaient imbibés de préjugés contre la nouvelle Foi et capables d’entrer dans une furie sauvage à la vue de quiconque identifié comme «babi», néanmoins ils admiraient ‘Ali-Akbar pour ses qualités rares et ses manières charmantes. De plus, sa réputation comme meilleur graveur lui avait gagné l’affection réelle de tous ceux qui l’avaient connu. Même le gouverneur et les fonctionnaires éprouvaient de la répugnance à le faire exécuter. Ils firent tout ce qui était en leur pouvoir pour lui faire prononcer un simple mot de reniement du bout des lèvres contre la nouvelle Foi et ainsi sauver sa propre vie. Ils utilisèrent nombre de paroles de persuasion, de menaces et de promesse, mais personne ne put inciter ce vaillant héros à renier, pas plus que la pompe et la puissance d’un potentat brutal ne poussa cet intrépide homme de Dieu à compromettre sa foi bien-aimée en faveur de cette vie transitoire et de ses vanités terrestres. Le gouverneur se mit en colère ; il ne pouvait tolérer quiconque osait défier son autorité et persistait dans ses propres idées.

Rendu furieux par la rage, le gouverneur convoqua son Farrash-bashi (son lieutenant principal) et lui ordonna de mettre à mort immédiatement ce babi réfractaire, en le faisant propulser de la bouche d’un canon. Cet ordre fut aussitôt transmis à la compagnie d’artillerie qui sortit son canon des cantonnements et le transporta vers la place publique voisine. Alors, le Farrash-bashi, accompagné du bourreau, mena la courageuse victime sur la place au milieu d’une foule de spectateurs.

Désireux de sauver ‘Ali-Akbar de son sort, le Farrash-bashi employa des moyens ingénieux d’intimidation et de tentation dans un effort vain pour briser son esprit et le faire abjurer son allégeance à la nouvelle Foi.

Le canon d’où il devait être éjecté était d’un vieux type qui se chargeait par la bouche, et le Farrash-bashi, sachant qu’il était encore à armer, eut l’idée de mettre en scène une fausse exécution dans l’espoir que la victime succomberait à l’effroi et à la terreur que cette épreuve provoquait habituellement. Par conséquent, faisant mine de se montrer cruel et sérieux, il aboya des ordres au bourreau de se dépêcher, de ligoter étroitement la victime à la bouche du canon et de la faire sauter sans plus de retard. Donc, ‘Ali-Akbar fut lié au canon et abandonné dans cette effrayante posture pendant un long moment au cours duquel les servants de la pièce continuaient d’aller et venir en courant en prétendant être en train de régler leur canon, comme s’ils étaient sur le point de faire feu.

Pendant tout ce temps, le Farrash-bashi regardait de près la victime, la pressant de renier. Cependant, il fut stupéfait de constater qu’au lieu d’être de plus en plus terrifié et tremblant, ‘Ali-Akbar avait gardé tout ce temps son calme et son endurance. Le Farrash-bashi comprit bientôt que l’intimidation n’avait pas pu provoquer ce qu’il avait espéré. Il courut vers l’artilleur, l’arrêta dans sa fausse tentative pour faire tirer le canon sans sa charge et il demanda au bourreau de libérer sa victime.

À ce moment-là (environ 11 heures du matin), l’ensemble de la place était entièrement recouverte d’une foule grouillante de spectateurs qui semblaient stupéfaits et abasourdis.

Dès que ‘Ali-Akbar eut ses liens défaits, le Farrash-bashi vint à lui en lui exprimant sa sympathie de manière affable. Il le conduisit ensuite vers une citerne publique adjacente, loin de la foule où il lui offrit de s’asseoir près de lui sur une petite plate-forme. Il raisonna très sérieusement avec ‘Ali-Akbar, le pressa et le persuada encore et encore de dénoncer la Foi et de sauver sa propre vie, mais ses efforts s’avérèrent un échec. Là, était assis ‘Ali-Akbar, solide comme un roc, inamovible et réfractaire à tout compromis, résistant à toute la force de ces pénibles épreuves. Alors que s’éternisaient ces moments douloureux, le Farrash-bashi commença à percevoir, avec une amère clarté, que rien ni quoi que ce soit ne pouvait inciter ce jeune homme invincible à renier. Consterné et déçu, il le ramena vers la scène de la mort et ordonna aux servants de la pièce de charger immédiatement leur canon. Pendant ce temps, il lui vint une nouvelle idée qui pourrait bien s’avérer efficace pour briser l’endurance de la victime. Il envoya ses hommes chercher la pauvre épouse de ‘Ali-Akbar et leur enfant, et les amener sur les lieux, ce qui constituait en effet une très forte et très provocante incitation. Après quelques instants, la malheureuse femme apparut dans un état de panique en tenant la main de leur enfant adoré qui semblait doux et mignon dans son plus bel habit.

Elle fit face à son mari et en pleurant amèrement, elle implora: «Viens prendre pitié de cet enfant !» «Que vais-je faire sans toi ?» sanglota-t-elle. Mais ‘Ali-Akbar ne répondit pas ; il leur tourna le dos. Encore une fois, la femme et l’enfant s’approchèrent et se tinrent devant lui. Elle se jeta à ses pieds, suppliant et implorant. Mais ‘Ali-Akbar resta silencieux et se détourna encore une fois d’eux. Alors le petit enfant courut vers son père et attrapant le pan de son vêtement, s’exclama: «Papa, papa, pourquoi est-ce que tu te détournes de moi ? Tu ne m’aimes plus ?»

Ces paroles, simples et poignantes, ont dû émouvoir ‘Ali-Akbar plus que toute autre chose. Peut-être qu’il ne pouvait le supporter, car il leva la tête vers les cieux dans un geste semblable à un appel passionné. C’était comme s’il disait: «Oh Dieu, je te conjure de m’épargner toute autre tentation.»

Ce tragique épisode avait atteint son paroxysme. Le moment était devenu si passionnant, si émouvant, que nombreux parmi les badauds furent touchés par le chagrin et la compassion. Même les yeux du Farrash-bashi étaient embués de larmes.

L’héroïque renonciation de soi et l’endurance surhumaine démontrée par ce vaillant martyr fracassa la dernière miette d’espoir que le Farrash-bashi entretenait en faisant en sorte que la victime abjure sa foi. Le sourcil bas, décontenancé, il décida de mettre fin à ce triste spectacle en mettant immédiatement à exécution l’ordre du gouverneur.

Donc, la victime fut bientôt ligotée une fois de plus à la bouche du canon, devant sa malheureuse femme et leur enfant. Dès que ceci fut fait, l’endroit fut dégagé de tous ceux qui s’y trouvaient, mais l’enfant refusa d’être écarté de son père. Il devint rétif et continua à pleurer et à implorer: «Emmenez-moi voir mon papa ! Laissez-moi aller le voir !»

L’horrible fin était désormais proche. Une sensation tendue avait saisi les âmes et un sentiment d’effroi et de crainte submergea toute la masse des gens sur la place.

Sur le signal acerbe du Farrash-bashi, l’artilleur alluma la charge explosive qui était conçue pour envoyer la victime haut dans le ciel, déchiquetée en pièces en une fraction de seconde. Mais à la profonde stupéfaction de tous, le canon s’enraya ! Encore et encore, la charge fut allumée mais le canon ne partait toujours pas ! Tout le monde semblait abasourdi et envoûté.

Le Farrash-bashi courut vers la victime et l’appelant par son nom, s’exclama: «Nous ne voulons pas que vous soyez tué ; il semblerait que Dieu ne le souhaite pas non plus. Maintenant, n’auriez-vous pas quelque compassion pour votre enfant ?» Mais il ne dit pas un mot, pas même lorsque sa femme et son enfant, frappés d’horreur, accoururent une fois de plus à ses côtés. Il resta plus calme et détaché que jamais.

Pendant ce temps, l’artilleur était occupé à la culasse à remplir la charge. Le Farrash-bashi s’arrêta un moment dans une attente sincère. Peut-être qu’il se laisserait aller désormais. Peut-être qu’il dirait un mot de reniement. Peut-être que quelque chose arriverait qui pourrait lui sauver la vie.

Cependant, pour l’esprit de ‘Ali-Akbar, un compromis était absolument inconcevable (...) L’âme désirait et aspirait à sacrifier sa cage chétive pour l’amour de son Seigneur et prendre son envol vers le séjour du Bien-aimé. À présent, l’occasion suprême s’était présentée (...) L’exemple inédit et prolongé de son endurance servait de plus en plus à mettre en relief le contraste frappant entre sa propre vision noble et le vil cadre de pensée du Farrash-bashi.

Loin d’être chagriné et abattu, quelle joie, quelle excitation et quel soulagement ressentit-il dans son âme lorsque le Farrash-bashi, dans son désespoir et son étonnement absolus, donna encore une fois le signal de la mise à feu.

Et cette fois-ci, dans un éclair d’une seconde, le corps de ‘Ali-Akbar, fut déchiqueté par l’énorme explosion de feu et de fumée, s’envola vers les cieux, puis retomba du ciel comme un essaim de minuscules météores, accompagné d’une pluie de gouttelettes pourpres, et dont les lambeaux furent éparpillés partout sur toute la place.

Le gouverneur ordonna que les fragments de son corps soient laissés exposés jusqu’au coucher du soleil, afin qu’ils puissent être piétinés par les hommes et les animaux.

Ce martyre tragique survint comme une coup écrasant pour l’ensemble des premiers croyants, en particulier pour son infortunée épouse. Son chagrin ne connut plus de bornes alors qu’elle continuait à pleurer, se lamenter et se frapper la tête. (r22)
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En contraste avec cet héroïsme, il y avait ceux qui avaient si peur d’être identifiés avec la Foi qu’ils auraient littéralement fui les disciples de Baha’u’llah.

Haji Muhammad-Tahir-i-Malmiri, dans son «History of the Faith in the Province of Yazd» (n53) [Histoire de la Foi dans la province de Yazd], ouvrage fort détaillé, a relaté cette intéressante histoire concernant un certain Siyyid Abu’l-Qasim-i-Bayda:

«Aqa Siyyid Abu’l-Qasim était marchand de profession et un poète doué. Son pseudonyme était Bayda [Brillant]. Il était un citoyen fort respecté qui avait l’habitude de fréquenter les marchands et les notables de la cité. C’était un fervent musulman, très sincère et honnête, petit-fils de Haji Mulla Rida, un Rawdih-Khan (un narrateur professionnel des tragédies de Karbila où fut martyrisé l’Imam Husayn) qui vivait dans le district de Malamir et il était un voisin de ce serviteur. (n54) Lorsque Siyyid Abu’l-Qasim voulut voir son grand-père, il devait passer par la maison de ce serviteur. Parce que notre maison était connue comme étant la maison des babis, il était si effrayé de s’en approcher qu’il avait pour habitude de courir à telle vitesse et de passer devant aussi rapidement que possible, afin de ne pas être touché par son influence impie. Finalement, cet homme embrassa la Foi, prit l’habitude d’assister aux réunions dans cette maison et souvent il parlait de ses premiers jours, en disant: "Chaque fois que je passais devant cette maison, tout mon être tremblait tellement que j’en étais troublé et secoué pendant toute la journée."» (r23)

Une histoire quelque peu similaire est relatée par Haji Mirza Haydar-‘Ali lorsqu’il résidait dans un khan (n55) avec quelques croyants dans une des cités de la Perse. Il décrit comment deux personnes frappèrent à sa porte la nuit par curiosité et pour en savoir plus sur les croyances des baha’is. Après quelques heures de discussion, l’une d’elle accepta la Foi. Voici l’histoire telle qu’il l’écrit:

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L’un d’eux embrassa la Foi. L’autre qui était resté dans le même khan prit le Kitab-i-Iqan dans sa chambre afin d’apprendre à propos de la Cause. Il me raconta l’histoire lui-même en ces termes:

«Dans la soirée, je m’assis et commençai à lire. Au bout d’un moment, je fus submergé par la peur au cas où quelqu’un entrerait et découvrirait que c’était là le livre des babis, (n56) alors ma vie et tous mes biens seraient emportés comme des fétus de paille. Alors je fermai la porte à clé et continuai à lire ce livre. Puis je me suis dit que, comme c’était tôt dans la soirée, si quelqu’un venait et découvrait que j’avais fermé à clé la chambre si tôt, il aurait pensé que, puisque vous autres étiez présents dans le khan, la raison pour laquelle ma porte était fermée, était que j’étais en train de lire le livre des babis. À ce moment-là, je décidai d’aller me coucher et dormir. Puis je commençai à réfléchir que si quiconque découvrait que j’étais aller au lit si tôt, on aurait été sûr que les babis m’avaient laissé leur livre et que par conséquent, j’étais allé au lit tôt afin que je puisse me lever plus tard dans la nuit pour le lire tranquillement. Pour être bref, j’emportai enfin ce livre à l’écurie et le posai dans la mangeoire. Je revins dans ma chambre et commençai à méditer, me demandant comment je pourrais lire ce livre malgré tout...»

À ce moment, il décida de lire le Coran et de prier. Il poursuit:

«Dans un état de désespoir, d’humilité et d’effacement de soi, je tournai mon coeur vers Dieu, le Savant, le Miséricordieux. Je le suppliais de me montrer le chemin vers le salut et de me donner l’eau de la vie. Soudain, la pensée me traversa l’esprit: j’étais angoissé, alarmé et tremblant de peur simplement parce que j’essayais de lire ou de conserver ce livre. Combien téméraire et intrépide avait dû être son Auteur, dont le coeur, la langue et la plume avaient amené ce livre à l’existence. Le produire était un miracle. Combien puissante est son influence pour qu’il ait empli le coeur de nombre de gens d’un tel courage et d’une telle force qu’ils en accueillaient le martyre.» (r24)
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Haji Mirza Haydar-‘Ali continue la description de la façon dont cet homme embrassa la Foi et acquit un tel courage que lorsqu’il avait le temps pendant ses heures de travail, il l’occupait à faire des copies du Kitab-i-Iqan en public et à enseigner ouvertement le peuple.

Ces incidents, courants à cette époque, illustrent clairement que les disciples du Bab et de Baha’u’llah n’entraient pas dans la Foi à cause de son caractère nouveau, ni pour quelque gain personnel ou de raison sensationnelle. Cette Cause a été baptisée dans le feu de l’adversité et du martyre et les âmes héroïques qui l’embrassèrent, avaient réellement reconnu sa gloire et furent transformées en une création nouvelle et merveilleuse.

Dans l’une de ses Épîtres (r25), Baha’u’llah explique que les persécutions amassées sur les croyants, l’opposition du clergé et la perversité des masses, tout cela servit à empêcher les âmes indignes d’entrer dans la cause de Dieu. Dans cette même épître, il invite ses disciples à estimer les bénédictions particulières de cette période unique au cours de laquelle quelques-uns seulement ont été élus. Car, lorsque sa Foi sera totalement établie dans le monde, déclare-t-il, les hommes sans mérite lui clameront leur allégeance.

Lorsque Baha’u’llah était à Bagdad, un certain Mirza Muhit-i-Kirmani, un Shaykhi qui était parvenu en la présence du Bab et dont l’attitude envers la Foi était celle de l’opposition cachée, envoya un message à Baha’u’llah par l’intermédiaire du Prince Kayvan Mirza. Il demanda une entrevue confidentielle avec Baha’u’llah tard dans la nuit, afin que personne, à l’exception du Prince, n’en sût quoi que ce soit. La raison avancée pour tout ce secret, était que si cette rencontre devait être rendue publique, la position de Mirza Muhit dans la communauté musulmane aurait été sapée. Baha’u’llah demanda au Prince de lui faire part de deux vers d’une ode qu’il avait composée alors dans le Kurdistan, exposant les conditions de ceux qui souhaitent prendre part à sa gloire. Voici ces vers:

«Si ton but est de chérir ta vie, n’approche pas de notre cour. Mais si le sacrifice est le désir de ton coeur, viens et laisse les autres venir avec toi. Car telle est la manière de la Foi, si dans ton coeur tu recherches la réunion avec Baha. Si tu refuses d’emprunter ce chemin, pourquoi nous importuner ? Va-t-en !
On rapporte que Baha’u’llah a dit ceci au Prince: "S’il le souhaite, il se hâtera ouvertement et sans réserve pour me rencontrer. Sinon, je refuse de le voir." (r26)
Lorsque Mirza Muhit entendit ces vers, il ne trouva pas le courage d’aller rencontrer Baha’u’llah. Quelques jours plus tard, il mourut.»

Baha’u’llah aborde plusieurs autres thèmes et révèle de nombreux mystères dans le Mathnavi qui s’étendent au-delà de la portée de cet ouvrage. En effet, ce poème émouvant est un merveilleux réceptacle de la sagesse divine, qu’il est impossible d’épuiser.

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